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Cette année 2022 a été fructueuse pour la Tunisie du point de vue archéologique. Après une étape de COVID où presque toutes les activités ont été arrêtées ou diminuées, les universités étrangères ont repris leur rythme habituel de recherche sur le terrain. Ainsi, cette année trois universités ont pris part à la recherche archéologique sur le terrain ainsi qu’à la valorisation du patrimoine archéologique chrétien tunisien.
Grâce à Dieu, j’ai eu la chance de participer à ces trois missions. À la première en tant que co-responsable et aux deux autres en tant que collaborateur. Une quatrième mission s’est ajoutée ces jours-ci : j’ai été engagé en tant que consultant, mais cette fois pour une nouvelle découverte fortuite à Gaza en Palestine.
La première mission, que j’ai codirigée entre mai et juin 2022, est celle de Carthage (fig. 1 et 2). Il s’agit d’une convention scientifique entre l’école archéologique des Iles Baléares (Fernando Contreras) et l’INP de Tunis (Samir Aounallah). Cette mission a été consacrée entièrement à la fouille et à la documentation d’un quartier chrétien de Carthage à côté du théâtre, fouillé partiellement entre 1994 et 2000. Les découvertes furent très intéressantes : un complexe cultuel chrétien du IVème siècle réaménagé plusieurs fois jusqu’à son abandon à la fin du VIIème siècle. Le terrain fouillé est à peu près de 500m2. Évidemment, il reste encore beaucoup de travail à faire pour compléter la planimétrie du monument et le valoriser afin qu’il puisse intégrer le parc archéologique de Carthage pour être visité par les touristes locaux et étrangers.
La deuxième mission a été réalisée en septembre dernier (deux semaines). Une équipe de l’Université de Bologne (Antonella Coralini), ensemble aux membres de l’INP de Tunis (Hamden Ben Romdane), a travaillé sur la ville romaine de Thuburbu Maius (El Fahs). La mission ne comprenait pas de fouilles, mais l’étude des monuments, spécialement les thermes privés, à travers la documentation et la photogrammétrie en 3D.
Mon rôle était d’encadrer les étudiants dans l’étude de la basilique paléochrétienne construite sur un temple romain.
La troisième mission a eu lieu également en septembre (trois semaines). Cette fois-ci, c’était l’université de Sassari en Sardaigne (Alessandro Teatini et Antonio Ibba) qui proposait, toujours en collaboration avec l’INP de Tunis (Moheddine Chaouali), la fouille et documentation du site appelé Numluli (Henchir Mattrya), près de Dougga. Cette première mission sur le site avait comme objectif la fouille du forum romain et de la basilique paléochrétienne, ainsi que le repère de nouvelles inscriptions épigraphiques.
Une dernière initiative pour cette année 2022, c’est le séminaire d’introduction aux antiquités chrétiennes de la Méditerranée qui se tient à la Cathédrale de Tunis les mois d’octobre et novembre ; il a le but de faire connaître de façon simple l’histoire et l’archéologie chrétienne en faisant référence aux régions de l’Orbis christianus antiquus de la Méditerranée (fig. 6). Ce séminaire est en partenariat avec l’université privée en ligne suisse dont je suis professeur associé de Biens culturels et Archéologie.
Notre objectif principal est précisément l’étude de l’histoire et des vestiges de la vie ecclésiale primitive (du IIème au VIIIème siècle). Il s’agit de « comprendre » le passé, en le rendant présent aux hommes d’aujourd’hui. Pour « comprendre » nous devons nous identifier avec le passé qui réapparaît à travers les domaines typiques de l’archéologie chrétienne : l’iconographie, l’architecture, l’épigraphie et la topographie.
Il n’est pas possible d’obtenir une vision complète de la réalité d’une communauté chrétienne, qu’elle soit antique ou récente, si l’on ne tient pas compte du fait que l’Eglise est composée d’un élément humain et d’un élément divin. Le Christ, son Seigneur, habite en elle et l’a voulue comme communauté visible composée des hommes. Pour cela, étant donné que l’histoire et l’archéologie chrétienne sont des sciences historiques, et comme telles fondées sur l’étude méthodique des sources, il faut s’y approcher avec une âme dégagée des passions et des préjugés.
Je pense que promouvoir la connaissance, l’approfondissement et la conservation du très vaste héritage archéologique chrétien de la Méditerranée, c’est valoriser un patrimoine précieux qui s’est formé au cours de ces deux millénaires, un trésor inestimable dont nous sommes parfois ignorants.
Pour la dernière découverte chrétienne à Gaza en Palestine, j’ai eu la chance d’en avoir les prémices. J’ai été sollicité, à travers mes confrères, pour l’analyse des mosaïques retrouvées ainsi que pour une inscription-dédicace en grec sur laquelle j’ai pu travailler avec un collègue archéologue de Grèce.
P. Silvio Moreno – archéologue, administrateur de la cathédrale de Tunis