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Au mois de novembre 2022, le P. Jawad Alamat, secrétaire général des écoles catholiques de Tunisie, a été élu président de l’OIEC, l’Office International de l'Enseignement Catholique.
L’élection du P. Jawad témoigne de la reconnaissance de l’expérience spécifique de la Tunisie et de sa contribution importante à la vision mondiale de l’éducation au sein de notre région MENA.
Nous avons interviewé le Père Jawad, afin de mieux connaître la mission de l’OIEC et son rôle en tant que président.
L’OIEC, qui a son siège à Rome, est une organisation qui coordonne, promeut et soutient la présence et le travail des écoles catholiques dans 110 Pays de tous les continents.
Le cœur de sa mission, est de poursuivre le mandat du pape François, en manifestant l’universalité de l’éducation catholique : « Il est plus que jamais nécessaire d’unir nos efforts dans une vaste alliance éducative pour former des personnes mûres, capables de surmonter les morcellements et les oppositions, et recoudre le tissu des relations en vue d’une humanité plus fraternelle. »
La toute récente constitution du Dicastère pour la Culture et l'Éducation, qui fusionne le Conseil pontifical pour la culture et la Congrégation pour l’éducation catholique, souligne le lien incontournable entre la culture et l’éducation : l’une a besoin de l’autre, en ces temps difficiles, pour agir et bâtir les fondements de la société.
La responsabilité de l’école catholique, qui forme des gens de différentes religions à des valeurs reconnues par tous et incarne l’Église (« experte en humanité » a dit St Paul VI, dans son discours à l’Organisation des Nations Unies, le 4 octobre 1965) dans la société, est par là encore plus grande !
Et la MENA, c’est quoi ?
La MENA (en français MONA), est la région du Moyen Orient et Nord Afrique, un terrain marqué par de durs conflits et par une histoire insigne, où le dialogue interreligieux est le « pain quotidien ».
La plupart des pays qui la composent sont autour de la Méditerranée, la mer qui sépare et qui unit, berceau de grandes civilisations.
La Tunisie a sa spécificité dans la MENA. Les catholiques représentent une minorité souvent instable et « étrangère » ; ils viennent de tous les continents. Dans nos écoles, la présence chrétienne est quantitativement insignifiante, limitée à la direction ou peu plus ; les élèves et le personnel sont presque totalement musulmans ; nous suivons les programmes étatiques, qui comportent l’enseignement religieux coranique.
Il faut dire que la valeur et l’expertise de l’école catholique sont largement reconnues : combien de gens nous cherchent, viennent à nous !
En quoi consiste votre rôle de Président de l’OIEC ?
Il s’agit essentiellement d’une fonction de soutien et d’orientation, afin d’assurer à l’OIEC une vision globale dans un esprit de communion.
Je garde un contact et un échange continus avec le secrétaire général de l’organisation, qui a la mission de suivre de près les membres de l’OIEC partout dans le monde, et nous réfléchissons ensemble sur les différentes situations, expériences et besoins.
Cela me permet d’offrir un accompagnement fraternel aux secrétariats dans le monde : écoute, aide à discerner les priorités éducatives de l’Eglise, conseil dans la prise des décisions.
Quels sont principaux défis actuels ?
Le défi majeur est interne : la communion. Nous devons nous convaincre que nous sommes sur la même barque frappée de tout côté par les vagues, avec un seul guide : il faut reconnaitre cette Présence, l’écouter, la suivre. La collaboration entre les acteurs catholiques dans le domaine de l’éducation est de plus en plus vitale.
Les défis externes sont liés aux challenges auxquels le monde doit faire face : l’éducation, la famille et ses relations avec la société et l’école…
Notre époque, qui voit des changements impressionnants, traverse une crise de valeurs, de civilisation, de culture. Comment relancer la proposition chrétienne dans son actualité toujours nouvelle ? Il faut puiser dans l’ancien pour en faire sortir du neuf…
Il est aussi nécessaire de se mettre à l’écoute de la réalité, notamment des jeunes. Dans l’OIEC, nous sommes en train de mettre en place un « conseil des jeunes », pour parler aux éducateurs.
Une autre interrogation : comment utiliser nos représentants dans les instances internationales – politiques, économiques, sociales – pour proposer la « prétention » toujours actuelle du christianisme ?
Quelle contribution souhaitez-vous apporter à l’OIEC ?
C’est bien la question que je me suis posé : venant d’une « périphérie », qu’ai-je à offrir à l’OIEC ?
Je crois que c’est précisément l’expérience particulière de la Tunisie et de la MENA.
Je découvre de plus en plus que notre fragilité apparente est une force extraordinaire, car elle nous amène à fonder notre mission non sur des personnes, mais sur le Christ lui-même.
La diversité au sein de notre Église et dans les lieux de notre présence est une éducation permanente à l’ouverture, au respect, à l’essentiel.
Il est évident que le témoignage passe non pas par nos « discours », mais par une « humanité plus humaine », façonnée par la rencontre avec le Dieu vivant. L’estime et l’affection des gens envers les « babassat » (les religieux), l’attestent.
L’universalité de l’Église découle de la particularité de chaque Église locale et de leur communion ; similairement, le vécu de chaque école, mis en commun, constitue l’universel et est un cadeau pour le monde.
Ainsi, en nous faisant réciproquement cadeau de ce que nous sommes, nous devenons une présence éducative universelle, qui embrasse l’humain tout entier, toujours et en tout lieu.
Nous reflétons le Mystère du Noël, l’Évènement bouleversant et sauveur qui vient de se renouveler.
Nous remercions le P. Jawad pour sa disponibilité à accueillir cette charge, tout en assurant la continuité de sa présence et ses fonctions de secrétaire général des écoles ici en Tunisie et de curé de la paroisse St Cyprien de Carthage.
Cela nous encourage et nous motive à persévérer dans notre engagement au service
de l’éducation en Tunisie et confirme le souffle universel de notre Église particulière.