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Nous vous proposons une petite interview d’un couple d’amis congolais, actuellement en Tunisie.
Leur expérience nous montre, d’un côté, les épreuves importantes auxquelles beaucoup d’entre nous doivent faire face ; de l’autre, nous témoigne la valeur de la responsabilité personnelle et de la solidarité.
Nous nous adressons d’abord au mari.
D’où viens-tu ? Pourquoi es-tu venu en Tunisie ?
Je suis arrivé ici en novembre 2020 du Congo RDC. Je suis en Tunisie en tant que réfugié demandeur d’asile. Dans mon pays, je travaillais dans le secteur de la restauration dans une agence de renseignements. Le but officiel de ce service était de recueillir les doléances de la population pour trouver des solutions à leurs problèmes, mais en fait il s’agissait d’un contrôle politique : toute plainte pouvait être utilisée contre eux… Étant chrétien catholique, je ne pouvais pas me prêter à devenir le véhicule d’accusations dangereuses pour les gens, c’est pourquoi, après un an de travail, j’ai voulu arrêter. Mais démissionner est interdit, c’est considéré comme une trahison. C’est pourquoi j’ai dû partir en cachette. La première tentative de quitter a échoué ; j’ai fait partir ma femme enceinte et je l’ai suivie par la suite.
Pourquoi avez-vous choisi la Tunisie ? Quel est votre projet ?
Notre premier but, était de changer d’horizon et de nous sécuriser. Au départ, nous pensions à la Turquie, mais cela demandait trop d’argent, alors nous nous sommes orientés vers la Tunisie ; des cousins installés ici pouvaient nous aider à nous intégrer.
Ainsi, les premiers temps de notre arrivée, ils nous ont logés. On a vite reçu la carte de demandeurs d’asile pour nous trois, car entre-temps mon enfant est né. Mais je suis tombé sérieusement malade. Heureusement, au service social de l’hôpital Charles Nicolle nous avons rencontré des personnes compétentes et compréhensives : j’ai obtenu un numéro de sécurité sociale, qui m’a permis de me soigner sans frais pendant une année. Dans mon Pays je n’aurais pas eu cette chance ! Je n’ai trouvé aucune discrimination pour le fait d’être un étranger.
Nous avons pu vivre ici grâce au soutien que mon beau-père nous envoyait du Congo, à l’aide des religieux de la cathédrale et à la bienveillance de nombreux tunisiens. Nous avons vraiment bénéficié de l’hospitalité tunisienne ! Les gens qui me voyaient durant ma convalescence, réduit à un squelette, me passaient de l’argent, m’offraient de la nourriture… A la naissance de mon enfant, j’ai toujours reçu, par exemple, des couches et du lait pour la petite...
Nous souhaitions nous installer ici et ouvrir un petit restaurant, mais nous nous sommes rendus compte que ce n’était pas possible. Nous avons commencé à penser à l’Italie ou à l’Espagne… Entre-temps, un ami au Canada nous a encouragés à partir là-bas. J’ai eu des bonnes expériences professionnelles au niveau de la restauration, avant mon dernier travail : au Congo Kinshasa, j’étais responsable d’un service traiteur, au Congo Brazzaville j’ai travaillé en tant que cuisinier autodidacte et maître d’hôtel dans la résidence du ministre des postes et télécommunications ; au Cameroun j’ai travaillé comme cuisinier chez des italiens. Mais je n’avais aucun diplôme. Puisque le système éducatif de la Tunisie est parmi les plus efficaces des pays africains et qu’un diplôme tunisien pourrait favoriser l’entrée au Canada, j’ai suivi une formation et obtenu un diplôme homologué en cuisine et pâtisserie. Je remercie les personnes de la cathédrale de Tunis qui m’ont soutenu financièrement et spirituellement et je dédie mon diplôme à l’Eglise catholique !
Ayant fini ma formation, je peux maintenant entamer les procédures pour l’immigration au Canada. Des amis qui sont là-bas vont nous aider dans ce passage, en trouvant des offres d’emploi et en nous orientant dans les démarches bureaucratiques !
Que peux-tu conseiller aux gens qui sont ici à la recherche d’un futur meilleur ?
Ce que je peux conseiller à mes frères subsahariens qui sont en Tunisie, surtout pour ceux qui viennent pour étudier, c’est de se concentrer sur les études sans s’arrêter aux difficultés. Ici nous pouvons accéder facilement à Internet, ce qui nous permet de faire des recherches et des approfondissements. Pendant ma formation, lorsque les professeurs expliquaient en arabe (dans mon cours, j’étais le seul non arabophone) je faisais des recherches à la maison pour apprendre et me cultiver.
Et, maintenant, pour bien conclure, la parole à la femme !
Changer radicalement de vie est un grand défi. Pourquoi as-tu accepté de le faire ?
La position de mon mari était très délicate dans notre pays ; je ne voulais d’ailleurs pas le laisser partir seul ! De plus, ma situation n’était pas facile non plus : je travaillais dans un cabinet ministériel et j’étais discriminée au travail parce que je suis 50% congolaise, 50% burundaise.
Comment se sont passés ces deux ans et demi en Tunisie ?
La vie a été dure dès le départ. Heureusement, ayant posé la demande d’asile, nous étions en règle et des cousins nous ont accueillis. Mais mon mari et moi étions séparés : lui d’un côté, moi d’un autre avec notre enfant. Notre objectif était d’avoir un logement à nous, mais nous avions des problèmes d’argent ; le fait que mon mari ait dû refaire les démarches pour partir, avait rogné nos économies.
Le pire est venu avec son hospitalisation. Un cauchemar : il était entre la vie et la mort, pendant quatre mois il ne pouvait se nourrir que de lait, j’avais un bébé de trois mois et pas de moyens… Comment vivre ? C’était terrible de le voir pleurer, lui aussi. Heureusement, l’obtention d’un numéro de sécurité sociale a permis ses soins et l’aide spirituelle, morale et financière de l’Église, en même temps que celle de nos familles, nous a permis de nous en sortir.
Qu’est-ce qui t’a permis de résister dans la tempête ?
Je pense que ça a été notre enfant, une vraie étoile pour nous. Je l'emmenais partout avec moi et, grâce à elle, tout le monde m’aidait, les portes s’ouvraient, même en temps de covid…
Que peux-tu suggérer à ceux qui doivent faire face à des problèmes sérieux ?
Je m’adresse aux couples : soyez-unis ! Si vous êtes unis, peu importe le problème, vous pouvez tenir bon. Faites confiance à Dieu : il nous aide dans toute situation.
Merci, nos chers amis, d’avoir partagé votre histoire avec nous et pour le message que vous nous offrez.
Nous vous souhaitons de tout cœur que votre projet de vie se réalise au mieux !
Olivia Olivo