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Nous avons le plaisir de vous proposer l’entretien que Mgr Nicolas Lhernould, archevêque de Tunis, nous a accordé.
Mgr Nicolas, à nouveau en Tunisie après quatre ans en Algérie. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Je ne vis pas cela comme un retour, mais comme un nouveau départ. Depuis quatre ans, beaucoup de choses ont évolué, dans le pays, dans l’Eglise… et aussi en moi. Un frère prêtre m’a aidé à mettre des mots sur ce que j’éprouve ces derniers temps : « Il y a trente ans, c’est toi qui as choisi la Tunisie ; aujourd’hui, c’est elle qui t’appelle ». J’ai trouvé cela très beau, avec une part de mystère qu’il s’agit de découvrir et de vivre.
Qu’est-ce qui vous a marqué le plus de vos quatre ans en tant qu’évêque de Constantine et Hippone ?
C’est d’avoir été accueilli d’abord comme un frère avant que d’être vu au travers de ma fonction. A la suite de saint Augustin, à l’école duquel j’ai essayé de me mettre pour apprendre à être frère, d’abord, et en même temps évêque : « Si ce que je suis pour vous me donne le vertige, ce que je suis avec vous me rassure. Evêque, c’est le titre d’une charge que l’on assume ; chrétien – frère –, c’est le nom de la grâce qu’on reçoit. Titre périlleux, nom salutaire » (Sermon 340,1).
Qu’avons-nous à apprendre de cette Eglise sœur ?
Que L’Eglise est elle-même lorsqu’elle donne le meilleur en acceptant humblement sa propre pauvreté ; que Dieu attend de nous la fécondité qui engendre plus que l’efficacité qui quantifie ; que la catholicité de l’Eglise n’est pas une question d’extension mais de mission, celle de recevoir en partage, par pure grâce de Dieu, la responsabilité du salut du genre humain dans son entier ; que ce qui sauve, ce n’est pas l’amour mais la persévérance dans l’amour jusqu’au bout ; que main dans la main, chrétiens et musulmans, nous pouvons nous mettre au service des autres, et que ce témoignage contribue à construire la paix à laquelle notre monde aspire.
Comment trouvez-vous la Tunisie et l’Eglise de Tunisie actuelles ?
Je suis frappé par la vitesse à laquelle les choses évoluent. Quatre ans c’est à la fois court et suffisant pour se rendre compte de ce qui a changé : visages, projets, joies, défis... Vivant ici en continu, je ne percevais pas tout cela avec autant de clarté. La distance aide à en prendre conscience. Je sens dans l’Eglise une soif de discerner ensemble la manière de mettre en œuvre les orientations que le processus synodal et la dernière journée diocésaine ont fait émerger, notamment en adaptant et en approfondissant nos moyens de formation.
Quel message avez-vous pour nous en ce commencement ?
Dans la bulle de ma nomination, le pape François nous a invités à « être bienfaisant pour les pauvres, honorer tout le monde, aimer la fraternité ». Ce ne sont pas à proprement parler des orientations pastorales, qu’il nous faudra discerner ensemble, mais un encouragement fort à vivre l’évangile en mettant en premier ce qui est essentiel. En nous souvenant aussi que l’Eglise n’a pas son centre de gravité en elle-même, mais dans la relation d’amour de Dieu avec le monde. Sachons vivre cette proximité en mettant ce que nous avons et ce que nous sommes au service de la marche de Dieu vers le monde, de la rencontre personnelle, transformante, avec lui.
Propos recueillis par Olivia Olivo