21 novembre 2024

Un cadeau pour nous des Sœurs Maria et Melika

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Les Sœurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique sont arrivées en Tunisie en 1882, 14 ans après la naissance de leur famille religieuse en Algérie. Leur fondateur, le cardinal Charles Lavigerie alors évêque d’Alger, voulait qu’elles soient le plus proche possible des femmes du pays. Leur vêtement religieux ressemblait à celui des femmes algéroises, qui était blanc. C’est ainsi que la population les a appelés « Sœurs Blanches » (rien à voir avec la couleur de la peau !) et c’est ainsi que nous les connaissons aujourd’hui.

Fortement enracinées dans ce pays, elles sont des constructrices de ponts entre des personnes de religions et cultures différentes par leur présence et leur service auprès des enfants de leur quartier, par le soutien scolaire et prêt de livres dans leur bibliothèque, par l’enseignement de l’arabe tunisien depuis des décennies. Les écoles du diocèse ont également profité de leur engagement et de leurs compétences.

Deux d’entre, après plus de 50 ans en Tunisie, se préparent à continuer leur mission ailleurs : Sœur Maria Hernandez et Sœur Maria Melika Moreau. L’une espagnole, l’autre française, les deux pleinement tunisiennes !

C’est avec une grande pincée au cœur que nous voyons partir ces deux piliers, qui vont laisser une trace indélébile ici en Tunisie : des générations de tunisiens et nous tous, leur sommes reconnaissants pour leur témoignage d’amour, de fidélité, d’attention personnelle incarné dans leur travail… et pour leur sourire indéfectible.

Chacune d’elle nous fait cadeau d’un message…

 

La Marsa, juin 2024

Retour   sur  le passé !

-  Je me réveille : j’ai 10 ans.  Je sors d’un rêve : « je serai religieuse !». Les années passent.   Il faut faire un choix :  Je ne veux pas être enseignante : j’ai trop fait souffrir mes professeurs et je ne voudrais pas que cela tourne à l’envers pour moi !  Pourquoi pas Missionnaire ?  Ils sont loin  et je ne sais pas ce qu’ils font !  Je prends contact avec les Sœurs Blanches : elles m’envoient en 1963  à Carthage (pour avoir une idée de l’Afrique !) où elles ont un lycée. J’y enseignerai les Sciences Naturelles pendant 1 an. Avec ce contact, j’initie les cours d’arabe à Tunis.

-   C’est la formation à Lyon (Cuire) postulat puis noviciat à Collonges. En 1967, ce sont les premiers vœux qui vont se poursuivre par 2 ans de Pisaï (cours d’arabe)  à Rome.   En 1970, je suis renommée pour la Tunisie. La Congrégation cherche  à s’étendre : une demande pour le Kef qui rate. Grâce à une relation, on me trouve un poste d’enseignement de Sciences Naturelles dans un lycée d’état à Béja.  Il y aura une petite communauté de 3 avec les activités, une à l’hôpital, une dans le social  et moi.  En 1975, l’inspecteur de Sciences cherche un remplaçant (les enseignants de mon lycée sont jeunes !). Je me propose : « Ca m’intéresse » ! Les sœurs de Thibar vont me transmettre leur voiture pour aller dans les lycées où sont les jeunes professeurs (Bizerte, Menzel, Mateur, le Kef, Aïn Draham…) En route, jusqu’en 1979 !

-   Nouvelle nomination, retourner à Tunis comme provinciale. Je verse « un pleur !» Nous étions si heureuses à Béja : (« car déjà, parmi nous, c’est le ciel ! »). Les années se succèdent. Activités diverses,  entre autres, le diocèse me demande de contrôler l’enseignement de l’arabe dans ses écoles. En 1987, l’Intercollège de la rue de Hollande doit se reloger (vente des Sœurs de Sion). Ce sont les Frères Marianistes qui vont les accueillir (en remaniant leur chapelle et leur dortoir). La directrice Franciscaine demande d’être remplacée. Cela tombe sur moi (1989). Tandis que les Primaires sont sous la direction des Marianistes, le lycée du diocèse aura la partie « Collège et Lycée » jusqu’en 2001.  Là, le  lycée est supprimé : le primaire et le collège fusionnent sous la direction Marianiste qui me demande de continuer pour le Collège.   Ce que je ferai jusqu’en 2015, 25 années sous le toit « Mariste »

-   C’est la finale, direction « la Marsa ». Sur le total des années, il y a eu beaucoup d’enseignement ! Maintenant, je réponds à la demande du voisinage ! Je rends grâce à Dieu d’avoir été toujours heureuse ! Que Dieu soit béni !

Melika

La Marsa, juin 2024

Je suis arrivée en Tunisie il y a 56 ans. Dans quelques semaines je vais la quitter en emportant de lourds bagages. Bagages d’amitié, d’amour donné et reçu, de fraternité, de service, et tant de belles choses vécues avec les enfants, les jeunes, les parents, les amis… La liste et longue et l’action de grâce s’étend à mes sœurs avec lesquelles j’ai été dans des communautés où il fait bon vivre et que dire de notre Eglise en Tunisie qui m’a accueillie, accompagnée, fait confiance. Je rends grâce à Dieu pour vous tous, et je vous dis : ce n’est qu’un au revoir !! Venez me voir !!!

Comment suis-je arrivée ici ? Au noviciat, en Espagne, j’avais alors 20 ans, un Père Blanc de passage venant de Tunisie, nous a parlé de comment vivre la Bonne Nouvelle en ce pays : ici, pas de prédication, pas de sacrements, une seule chose importe : vivre Jésus Christ en aimant… Et pendant une heure il nous a raconté la façon de vivre l’Amour ici. Je me suis dit : cela irait bien pour moi, je ne sais pas parler, je ne saurais pas prêcher… mais aimer, cela je pourrais essayer. Et voilà, c’est ce que j’ai fait pendant 56 ans. J’ai été aussi 2 ans en Algérie et 2 ans à Rome, le reste ici.

Enseignante de formation, j’ai toujours travaillé dans les écoles du diocèse : à Thibar, à La Marsa, à Tunis (Halfaouine, où j’ai accueilli les Sœurs Egyptiennes à leur arrivé en Tunisie), dans des bibliothèques scolaires à Montfleury et ici à La Marsa. J’ai collaboré aussi avec mes sœurs dans l’enseignement de la langue arabe dans la Maison d’études à Montfleury.

Que dire de plus ? C’est un court résumé pour une si longue vie. Long parcours fait de rencontres, de gratuité, de réciprocité, de vie simple de quartier, comme lorsque j’ai habité à Mourouj, à Kabbaria, au Kef… En tout cela j’ai trouvé beaucoup de bonheur, de joie de vivre Jésus-Christ et les valeurs évangéliques sans tambour ni trompette. Ma vocation à l’enseignement s’est développée peu à peu et j’en suis devenue une passionnée !! Une des « Œuvres de miséricorde » n’est-elle pas l’enseignement ? C’est dans cet esprit évangélique que j’ai essayé de transmettre des connaissances, d’éduquer les enfants. J’ai eu entre les mains des milliers d’enfants. A leur contact j’ai vécu des choses extraordinaires : leur fraicheur, leur spontanéité, leur émerveillement, leur joie de vivre, la confiance qu’ils m’ont faite, m’ont accompagnée et soutenue, c’est un trésor inestimable, cela dure encore aujourd’hui à la bibliothèque. Par eux, j’ai rencontré leurs parents, la confiance qu’ils m’ont manifestée eux aussi, m’a fortement étonnée : « Mon enfant, c’est ton enfant, traite-le, éduque-le comme tu l’entends »

Un mot aussi sur les enseignants avec lesquels j’ai maintenu des très bons contacts et certaines de leurs familles sont devenues aussi la mienne.

Pour tout cela, pour cette belle vie remplie de bonté et d’amour, je rends grâce à Dieu. En la quittant, c’est cette parole de l’Evangile qui me vient « Vous êtes des serviteurs inutiles » Oui, car c’est Dieu qui agit en nous, par nous, pourvu que nous soyons dociles à son Esprit.

Maria

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